Billet retour de mission à Ngalkhaye
Ngalkhayaye et Kebe Ndourene sont deux villages de la situés dans la région de Kaolack ; respectivement dans les communes de Dya et de Khelkome. En ce Samedi de 11 Avril 2024, les habitants de Ngalkhayaye et Kebe Ndourene vivent les affres du soleil ardant de pleine saison sèche et doublés d’inquiétude liée au pâturage de plus en plus rare pour leurs animaux; certains agropasteurs ayant choisi d’envoyer loin leurs animaux en transhumance dans les prairies plus clémentes du sud-est du Sénégal.
Ngalkhayaye et Kebe Ndourene font partie des villages où l’Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA)de Thies est en train de mettre en œuvre la recommandation du Directeur du programme Feed the Future SIIL de documenter l’effet de l’alimentation des animaux pas les tiges de mil à double usage pour améliorer la productivité (gain de poids des animaux en embouche et de production de lait des vaches allaitantes). En entrant dans ces villages et plus particulièrement à Ngalkhayaye, vous êtes tout de suite frappé par le niveau de pauvreté qui se lit partout : sur les habitations en paille de chaume, dans l’habillement des habitants mais aussi et surtout, dans la nourriture quotidienne. Ngalkhayaye et Kebe Ndourene souffrent particulièrement de la longue période de 9 mois de saison sèche pratiquement sans activité pour la majorité de sa population dont la partie la plus active a choisi de migrer dans les centres urbains pour de petits boulots en attendant l’arrivée de l’hivernage
Doud Sene de Ngalkhayaye et Waly Ndour de Kebe Ndourene font partie des 15 exploitations choisies par le département production animale de l’ENSA sur recommandation du Réseau des Orgamisations de Pasteurs et paysans (RESOPP) pour expérimenter les rations alimentaires à base de tiges de mil mis au point dans la phase 2 du Programme SIIL. Doud Sene, un agropasteur de plus de 55 ans révolus est une des répétition de l’essai de nutrition animale sur l’effet de ration alimentaire à base de tiges de mil sur le rendements de lait des vaches allaitantes. Après les salutations d’usage, nous sommes allés voir la vache en question et son veau tous deux attachés à l’ombre d’un abris de fortune juste derrière la case de Doud. La vache se porte assez bien et s’agite un peu en voyant Doud qui s’approche pour la caresser un peu alors que nous autres, nous tenons à l’écart pour ne pas l’effrayer. Doud nous sort son cahier de mesures quotidiennes de la production de lait dont la lecture des différentes dates fait ressortir après 3 mois d’alimentation, une production de lait passant de 0,5 litres par trait (matin et soir) à 2,7 litres le matin et 2,5 litres le soir le jour d’avant notre visite soit 5,1 litres par jour.
Bien évidemment, pour nous qui avons vu à l’Université de Eldoret au Kenya où nous avons fait notre thèse, une vache laitière produisant 50 litres par jour ou encore les fermes laitières d’Europe et aux USA, 5 litres de lait par jour pour une vache ne sont pas beaucoup. Mais pour Doud Sene et sa famille et même pour tout le village de Ngalkhayaye, c’est tout simplement une prouesse surtout en ce moment précis de l’année. Doud n’a mis qu’une vache comme recommandé par le programme mais tout son vœux c’est de pouvoir attacher 2 voire 3 car, ce sera tout simplement la fin de toutes ces difficultés et le début de la souveraineté alimentaire de sa famille. Imaginez -vous, dit-il avec un large sourire, « j’ai 5 litres en moyenne par jour à raison de 500 F par litre soit 2500 F. Chaque matin donc, avant même que ma femme me demande, je lui tends l’argent de la dépense journalière de la famille » !
L’histoire du Jeune Waly Ndour de Kebe Ndourene est presque similaire. Waly fait partie de l’autre lot d’agropasteurs choisis pour documenter l’effet des rations alimentaires à base de tiges de mil sur le gain de poids des animaux en embouche. C’est tout fier entre ses 2 bœufs prêts à la vente après seulement 3 mois qu’il nous raconte son cheminement avec le programme SIIL. Avant dit-il, « je ne pouvais attacher qu’un seul bœuf car les aliments usinés et les autres intrants de l’embouche que l’on utilisait étaient très chers et il faut aller jusqu’à Kaolack pour les acheter. Avec les rations à base de tiges de mil de Prof Tandian, j’arrive à attacher jusqu’à 5 animaux par cycle car les tiges de mil de même que tous les autres intrants qui composent les rations à savoir les coques d’arachide, de niébé et les tourteaux d’arachide sont disponibles localement ». il poursuit : « ceci fait qu’en seulement 3 mois et demie au maximum, mes animaux sont prêts à la vente et tous les bouchers de Kaolack me connaissent maintenant ». « Il suffit que je les appelle pour qu’ils amènent leur véhicule pour acheter mes animaux à très bon prix sans même que je me déplace ». Cette année s’il plait à Dieu dit-il, « je vais pouvoir faire faire 4 rotations de 5 animaux au moins et chaque cycle me donnera un bénéfice pas mois 1,5 millions de F CFA». Avec cet argent, je suis en train de construire ce bâtiment de 5 chambres et 1 salon pour ma famille qui comme vous le voyez, n’a rien à envier aux bâtiments des villes comme Kaolack ».
Modou, m’empressais- je de lui dire tout aussi heureux que lui : « SIIL est très fier de changer aussi radicalement ta vie et toute celle de ta. communauté qui s’active sur l’embouche bovine». Mais ajoutais -je « Il nous reste maintenant à penser à comment revaloriser toutes cette biomasse utilisée à nourrir vos animaux pour le retourner dans les champs pour éviter de compromettre à long termes la fertilité de vos champs de mil !» Ce sera notre prochaine étape et merci encore !